Sans blâmer sa mère
novembre 23, 2008

Sans blâmer sa mère, elle fut honteuse à demi de ce manége dont le prix était un gain quelconque. Puis, elle fut prise d’une curiosité jalouse assez concevable. Elle voulut savoir si Paul l’aimait assez pour surmonter les difficultés prévues par sa mère, et que lui dénonçait la figure un peu nuageuse de maître Mathias. Ces sentiments la poussèrent à un mouvement de loyauté qui d’ailleurs la posait bien. La plus noire perfidie n’eût pas été aussi dangereuse que le fut son innocence.
– Paul, lui dit-elle à voix basse, et elle le nomma ainsi pour la première fois, si quelques difficultés d’intérêts pouvaient nous séparer, songez que je vous relève de vos engagements, et vous permets de jeter sur moi la défaveur qui résulterait d’une rupture.
Elle mit une si profonde dignité dans l’expression de sa générosité, que Paul crut au désintéressement de Natalie, à son ignorance du fait que son notaire venait de lui révéler, il pressa la main de la jeune fille et la baisa comme un homme à qui l’amour était plus cher que l’intérêt. Natalie sortit.
– Sac à papier, monsieur le comte, vous faites des sottises, reprit le vieux notaire en rejoignant son client.
Paul demeura songeur : il comptait avoir environ cent mille livres de rentes, en réunissant sa fortune à celle de Natalie ; et quelque passionné que soit un homme, il ne passe pas sans émotion de cent à quarante-six mille livres de rentes, en acceptant une femme habituée au luxe.
– Ma fille n’est pas là, reprit madame Evangélista qui s’avança royalement vers son gendre et le notaire, pouvez-vous me dire ce qui nous arrive ?