Ce petit préambule a pour but de rappeler à ceux des Français qui ont voyagé le plaisir excessif qu’ils ont éprouvé quand, parfois, ils ont retrouvé toute la patrie, une oasis dans le salon de quelque diplomate ; plaisir que comprendront difficilement ceux qui n’ont jamais quitté l’asphalte du boulevard des Italiens, et pour qui la ligne des quais, rive gauche, n’est déjà plus Paris. Retrouver Paris ! savez-vous ce que c’est, ô Parisiens ?
Archive for the ‘Honorine’ Category
Si les Français ont autant de répugnance que les Anglais
novembre 18, 2008
C’est retrouver, non pas la cuisine
novembre 18, 2008
Supposez autour de la table
novembre 18, 2008
Supposez autour de la table le marquis di Nègro, ce frère hospitalier de tous les talents qui voyagent, et le marquis Damaso Pareto, deux Français déguisés en Génois, un Consul-Général entouré d’une femme belle comme une madone et de deux enfants silencieux, parce que le sommeil les a saisis, l’ambassadeur de France et sa femme, un premier secrétaire d’ambassade qui se croit éteint et malicieux, enfin deux Parisiens qui viennent prendre congé de la consulesse dans un dîner splendide, vous aurez le tableau que présentait la terrasse de la villa vers la mi-mai, tableau dominé par un personnage, par une femme célèbre sur laquelle les regards se concentrent par moments, et l’héroïne de cette fête improvisée. L’un des deux Français était le fameux paysagiste Léon de Lora, l’autre un célèbre critique, Claude Vignon. Tous deux, ils accompagnaient cette femme, une des illustrations actuelles du beau sexe, mademoiselle des Touches, connue sous le nom de Camille Maupin dans le monde littéraire. Mademoiselle des Touches était allée à Florence pour affaire. Par une de ces charmantes complaisances qu’elle prodigue, elle avait emmené Léon de Lora pour lui montrer l’Italie, et avait poussé jusqu’à Rome pour lui montrer la campagne de Rome. Venue par le Simplon, elle revenait par le chemin de la Corniche à Marseille. Toujours à cause du paysagiste, elle s’était arrêtée à Gênes. Naturellement le Consul-Général avait voulu faire, avant l’arrivée de la cour, les honneurs de Gênes à une personne que sa fortune, son nom et sa position recommandent autant que son talent. Camille Maupin, qui connaissait Gênes jusque dans ses dernières chapelles, laissa son paysagiste aux soins du diplomate, à ceux des deux marquis génois, et fut avare de ses instants. Quoique l’ambassadeur fût un écrivain très-distingué, la femme célèbre refusa de se prêter à ses gracieusetés, en craignant ce que les Anglais appellent une exhibition, mais elle rentra les griffes de ses refus dès qu’il fut question d’une journée d’adieu à la villa du consul. Léon de Lora dit à Camille que sa présence à la villa était la seule manière qu’il eût de remercier l’ambassadeur et sa femme, les deux marquis génois, le consul et la consulesse.
Mademoiselle des Touches
novembre 18, 2008
Une héritière génoise
novembre 18, 2008
Une héritière génoise ! cette expression pourra faire sourire à Gênes où par suite de l’exhérédation des filles, une femme est rarement riche, mais Onorina Pedrotti, l’unique enfant d’un banquier sans héritiers mâles, est une exception. Malgré toutes les flatteries que comporte une passion inspirée, le Consul-Général ne parut pas vouloir se marier. Néanmoins, après deux ans d’habitation, après quelques démarches de l’ambassadeur pendant les séjours de la cour à Gênes, le mariage fut conclu. Le jeune homme rétracta ses premiers refus, moins à cause de la touchante affection d’Onorina Pedrotti qu’à cause d’un événement inconnu, d’une de ces crises de la vie intime si promptement ensevelies sous les courants journaliers des intérêts que, plus tard, les actions les plus naturelles semblent inexplicables. Cet enveloppement des causes affecte aussi très-souvent les événements les plus sérieux de l’histoire. Telle fut du moins l’opinion de la ville de Gênes, où, pour quelques femmes, l’excessive retenue, la mélancolie du consul français ne s’expliquaient que par le mot passion. Remarquons en passant que les femmes ne se plaignent jamais d’être les victimes d’une préférence, elles s’immolent très-bien à la cause commune. Onorina Pedrotti, qui peut-être aurait haï le consul si elle eût été dédaignée absolument, n’en aimait pas moins, et peut-être plus, suo sposo, en le sachant amoureux. Les femmes admettent la préséance dans les affaires de cœur. Tout est sauvé, dès qu’il s’agit du sexe. Un homme n’est jamais diplomate impunément : le sposo fut discret comme la tombe, et si discret que les négociants de Gênes voulurent voir quelque préméditation dans l’attitude du jeune consul, à qui l’héritière eût peut-être échappé s’il n’eût pas joué ce rôle de Malade Imaginaire en amour.
Si c’était la vérité
novembre 18, 2008
Si c’était la vérité, les femmes la trouvèrent trop dégradante pour y croire. La fille de Pedrotti fit de son amour une consolation, elle berça ces douleurs inconnues dans un lit de tendresses et de caresses italiennes. Il signor Pedrotti n’eut pas d’ailleurs à se plaindre du choix auquel il était contraint par sa fille bien-aimée. Des protecteurs puissants veillaient de Paris sur la fortune du jeune diplomate. Selon la promesse de l’ambassadeur au beau-père, le Consul-Général fut créé baron et fait commandeur de la Légion-d’Honneur. Enfin, il signor Pedrotti fut nommé comte par le roi de Sardaigne. La dot fut d’un million. Quant à la fortune de la casa Pedrotti, évaluée à deux millions gagnés dans le commerce des blés, elle échut aux mariés six mois après leur union, car le premier et le dernier des comtes Pedrotti mourut en janvier 1831. Onorina Pedrotti est une de ces belles Génoises, les plus magnifiques créatures de l’Italie, quand elles sont belles. Pour le tombeau de Julien, Michel-Ange prit ses modèles à Gênes. De là vient cette amplitude, cette curieuse disposition du sein dans les figures du Jour et de la Nuit, que tant de critiques trouvent exagérées, mais qui sont particulières aux femmes de la Ligurie. A Gênes, la beauté n’existe plus aujourd’hui que sous le mezzaro, comme à Venise elle ne se rencontre que sous les fazzioli. Ce phénomène s’observe chez toutes les nations ruinées. Le type noble ne s’y trouve plus que dans le peuple, comme, après l’incendie des villes, les médailles se cachent dans les cendres. Mais déjà tout exception sous le rapport de la fortune, Onorina est encore une exception comme beauté patricienne.
Rappelez-vous donc la Nuit
novembre 18, 2008
Les hommes essayèrent de prouver
novembre 18, 2008
Un jour donc, vers la fin de l’année
novembre 18, 2008
Mon cher Maurice
novembre 18, 2008
Mon cher Maurice, tu seras là comme chez un père. Monsieur le comte te donne deux mille quatre cents francs d’appointements fixes, un logement dans son hôtel, et une indemnité de douze cents francs pour ta nourriture : il ne t’admettra pas à sa table et ne veut pas te faire servir à part, afin de ne point te livrer à des soins subalternes. Je n’ai pas accepté l’offre qu’on m’a faite avant d’avoir acquis la certitude que le secrétaire du comte Octave ne sera jamais un premier domestique. Tu seras accablé de travaux, car le comte est un grand travailleur ; mais tu sortiras de chez lui capable de remplir les plus hautes places. Je n’ai pas besoin de te recommander la discrétion, la première vertu des hommes qui se destinent à des fonctions publiques. » Jugez quelle fut ma curiosité ! Le comte Octave occupait alors l’une des plus hautes places de la magistrature, il possédait la confiance de madame la Dauphine qui venait de le faire nommer Ministre-d’Etat, il menait une existence à peu près semblable à celle du comte de Sérizy, que vous connaissez, je crois, tous ; mais plus obscure car il demeurait au Marais, rue Payenne, et ne recevait presque jamais. Sa vie privée échappait au contrôle du public par une modestie cénobitique et par un travail continu. Laissez-moi vous peindre en peu de mots ma situation. Après avoir trouvé dans le grave proviseur du collége Saint-Louis un tuteur à qui mon oncle avait délégué ses pouvoirs, j’avais fini mes classes à dix-huit ans. J’étais sorti de ce collége aussi pur qu’un séminariste plein de foi sort de Saint-Sulpice. A son lit de mort, ma mère avait obtenu de mon oncle que je ne serais pas prêtre ; mais j’étais aussi pieux que si j’avais dû entrer dans les Ordres. Au déjucher du collége, pour employer un vieux mot très-pittoresque, l’abbé Loraux me prit dans sa cure et me fit faire mon Droit.